L’archéologie funéraire II : textes et iconographie

En archéologie funéraire, on dispose d’autres sources que les ossements et que la tombe elle-même : les sources écrites et les sources graphiques. De plus en plus en effet, les vivants ont voulu matérialiser la relation qui unit une population à ses morts : devoir de mémoire, louanges du défunt, mais aussi représentations de la mort.
Les sources littéraires et juridiques
Témoignages des écrivains
Ce type de sources ne concerne que les sociétés historiques. Beaucoup d’auteurs ont mis par écrit les conceptions de la mort propres à leur civilisation. L’exemple romain est particulièrement significatif. Certains auteurs ont consacré des traités à la question de la mort, comme Cicéron dans les Tusculanes. On trouve, hormis les sources philosophiques, les sources poétiques : Juvénal dans une Satire rappelle que les enfants morts en bas âge n’ont pas droit au bûcher. Il faut ajouter les écrits des grammairiens qui s’interrogent sur le lexique relatif à la mort (Varron…). Cependant, ces sources sont à considérer avec précaution et distance, car propres à une époque, une certaine catégorie de la population, à un peuple. Ainsi, ce qui est dit des Romains n’est pas toujours vrai dans un contexte gallo-romain.
Textes de loi
Plus objectifs sont les textes juridiques qui parlent de la mort. Ces textes sont souvent cités par les auteurs, en particulier ceux qui maîtrisent les ficelles de la justice. C’est le cas notamment des orateurs – avocats romains comme Cicéron, qui a écrit des œuvres à profil juridique. Mais il faut aussi prendre en considération les sources épigraphiques, les textes de loi étant souvent gravés sur des matériaux durs, car s’adressant à tous. On peut citer le cas de la Loi des Douze Tables à Rome.
Les sources épigraphiques
Les épitaphes
Ill. : BENOIT S. (dir.), GRUEL K. (dir.), LECUYOT G. (dir.). — L’archéologie à l’École normale supérieure : ouvrage dédié à Christian Peyre. Paris : UMR 8546 (Archéologies d’Orient et d’Occident), 2002, 158 p.
Les stèles sont le vecteur majeur du devoir de mémoire. Ce sont elles en effet qui indiquent quel individu a été enterré dans tel endroit. Certaines ne mentionnent que le nom du mort, d’autres donnent davantage de détails. A Athènes par exemple on inscrit le nom du mort, celui de son père et le nom du dème auquel il appartient. Mais ce sont surtout les Romains qui ont le souci de donner un maximum d’informations : on trouve ainsi les trois noms du mort, sa filiation ; pour un magistrat, les différentes fonctions qu’il a exercées au cours de sa carrière ; pour un soldat, son grade et sa légion de rattachement. À l’époque chrétienne on voit apparaître des indications sur les circonstances de la naissance ou de la mort. Les stèles ont même pu donner lieu à un genre littéraire particulier qu’est l’épigramme funéraire, court poème.
Les sarcophages
Ill. : Dans la bande horizontale du sarcophage de droite, juste sous le dessin de la perruque, on reconnaît une scène d’offrandes rituelle. Les autres hiéroglyphes rappellent entre autres le nom du défunt. (Saqqara, 2004)
Certaines civilisations ont préféré à l’inscription sur stèle l’inscription sur cercueil ou sarcophage. C’est le cas en particulier des populations phéniciennes. Là encore, le texte obéit souvent à un certain nombre de règles. On voit ainsi qu’un roi fait toujours état de sa filiation et précise si ses ascendants étaient eux-mêmes rois. Si seuls certains précisent l’œuvre qu’ils ont accomplie, la plupart en revanche prononcent une malédiction contre ceux qui viendraient profaner leur sépulture.
Les objets
Enfin, on peut poser des objets gravés qui sont destinés à accompagner le mort dans l’au-delà. Ce peuvent être des formules magiques, des instructions pour l’ultime voyage. En Afrique romaine, on a retrouvé ce qu’on appelle des tablettes de défixion : il s’agit de tablettes en plomb, pliées, roulées, qui contiennent des sortes de malédiction. Le mort devient en fait un intercesseur : il est chargé de punir un mort qui a mal agi de son vivant.
Les sources iconographiques
Représentations du défunt
Le mort peut tout d’abord être représenté sur une stèle qui marque l’emplacement de la tombe. Il s’agit souvent d’un portrait idéalisé du défunt, qui obéit à certaines conventions. C’est le cas notamment dans les cimetières attiques : on y a retrouvé beaucoup de stèles représentant des jeunes filles que la mort a surprises avant qu’elles n’atteignent l’âge de se marier. Elles sont souvent représentées de profil, tenant un objet ou un petit animal dans les mains (un oiseau la plupart du temps). Il s’agit de familles aisées. Pour ce qui est des artisans et commerçants qui en ont les moyens, on retrouve en général une gravure les représentant en pleine activité : le boulanger et son four, la marchand derrière son étal… Il arrive que le mort soit représenté de la tête aux pieds. Il s’agit en général dans ce cas de peintures, de fresques situées à l’intérieur du tombeau. C’est le cas en particulier dans les tombeaux étrusques. Par exemple, dans la tombe François (Vulci), le mort, Vel Saties, est représenté sur un des murs prenant les augures avec une couronne de lauriers sur la tête.
Le cortège funéraire
Certaines cultures représentent la manière dont le mort est conduit dans sa dernière demeure. C’est notamment le cas à Athènes, où l’on a découvert que sur les tombes étaient posés des cratères ou des amphores, selon que le mort était de sexe masculin ou féminin. Sur ces céramiques on représentait des scènes de prothesis (exposition du mort) et d’ekphora (convoi funéraire). Parfois, le thème est tiré des œuvres de référence de la culture grecque. On trouvera ainsi des représentations des funérailles de Patrocle, décrites au chant XXIII de l’Iliade.
Voyages dans l’au-delà
Les tombes peuvent être ornées de fresques évoquent le départ du mort pour un autre monde. Dès lors, de telles peintures nous en apprennent plus sur les vivants et leur rapport à la mort que sur les morts eux-mêmes. C’est notamment le cas dans les tombes égyptiennes, où l’on retrouve sur les murs les illustrations propres au fameux Livre des Morts. Un thème récurrent par exemple est celui de la barque qu’emprunte le pharaon mort pour rejoindre les terres d’Osiris.
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Sylvain Perrot
(élève de 1e année, 2004)